// Un peu d'aventure...

Des gens

Evgueni

Evgueni est quelqu’un de formidable. Souvent, les vieux Russes (et les vieilles encore plus, sans doute) portent sur leur visage résigné le poids du système soviétique. Les vieux sont fatigués jeunes, en Russie. Sur leur visage seul se lit l’Histoire. Cela n’a sans doute jamais été autant vérifié que pour lui.

Le père de Macha

A lui seul, il symbolise tout un pan de l’histoire des peuples d’Asie centrale, c’est-à-dire à une époque, des peuples soviétiques. Sous le joug stalinien, on confisquait dans cette région leur passeport aux gens, de sorte qu’ils ne puissent pas bouger, ne serait-ce qu’au sein de l’Union soviétique.

L’écouter raconter son histoire permet d’un peu mieux saisir comment marche la Russie et peut-être plus encore, les Russes. “Bien sûr, dit-il, tout n’est pas parfait”, en parlant implicitement du régime poutinien. Sans doute est-il représentatif d’une bonne partie de la population russe qui n’est pas mécontent de la “contre-révolution” poutinienne. “Il ne faut pas oublier qu’il y a 20 ans, on ne pouvait pas sortir du pays librement. Aujourd’hui, je peux”.

Le père de Macha

La brutalité du changement du début des années 1990 contribue peut-être à expliquer ce “retour en arrière” de la démocratie en Russie. “Bien sûr, ajoute-t-il, il faut que ça change. Mais il faut que ça change petit à petit”. Voilà probablement une clé pour comprendre la faiblesse de l’opposition à Poutine. Avec lui, en quelque sorte, le pays assiste à une pause, qui semble la  bienvenue pour beaucoup de Russe, dans les réformes vers une démocratie. La période actuelle pourrait donc être assimilé à une période de stabilisation, sans présager de changements futurs, certainement moins radicaux que la “révolution” du début des années 1990.

Lui qui, dit-il, “a travaillé la terre toute sa vie et n’a pas été à l’institut”, a pourtant “lu beaucoup de livres”. Là encore, Evgueni reste représentatif du rapport qu’entretiennent les Russes à leur littérature. Il faut entendre cet ancien paysan, qui fait 20 ans de plus que son âge, expliquer que “pour comprendre l’âme russe, il faut lire Tolstoï”. Georges Nivat ne dit-il pas qu’en Russie c’est la littérature qui fait office de musée ? Peut-être est-ce là un des poins positifs du système soviétique, et plus généralement des partis communistes (également en France) : faire lire les gens.

Il montre ensuite fièrement sa collection de pièces de monnaie et de billest de banque du monde entier, minutieusement rangée dans des classeurs. Elle contient aussi bien des Francs que des pièces de 1800. Il raconte qu’un collectionneur lui a proposé 500 $ - sans doute la valeur de sa maison - pour un rouble de 1905. Il a refusé car, confie-t-il, “il veut pouvoir transmettre sa collection à sa petite-fille, qui la donnera elle-même à ses enfants”. Une manière de laisser sa trace, sans doute.

Discussion

Les commentaires sont désactivés pour ce billet.

  1. Salut Arthur,
    Ta petite photo me replonge 20 ans en arrière: aperçu d’un bout de village sibérien typique. Profite bien de ton voyage et nous, avec toi.
    je t’embrasse,
    Sonia
    PS attention à l’âme “russe”. Comme s’il n’y avait que les Russes qui avaient une âme”, avait coutume de dire Moshe Lewin qui les aimait beaucoup…

    Posté par sonia combe | 26 mars, 2009, 19:07
  2. Malgré les changements politique et sociale de la Russie, Evgueni représente l’âme du peuple russe qu’aucun pouvoir et qu’aucune doctrine ne peut entacher.

    Posté par soule | 3 mai, 2009, 15:05
  3. arthur, ta citation de mon père m’amuse! elle est si vraie… et ton tour du monde me bluffe! Bravo, surtout, profite en, pas à pas, tranquillement!
    Je t’embrasse
    Anne Nivat

    Posté par anne | 10 juin, 2009, 15:27