// Un peu d'aventure...

Des gens

Pourquoi j’aime l’Inde (2)

A Jaisalmer, depuis mon arrivée, un homme assis devant un magasin de location de motos me saluait. Il me disait : « Mon ami, viens discuter ». Un jour, je me suis dit que peut-être, nous étions effectivement amis. Je m’asssois et je commence à parler avec lui.

C’est un ami qui loue des motos. Comme ça n’a pas l’air très cher, je me dis que je vais bien en louer une. Je m’aperçois que le plein d’essence multiplie le prix par trois, mais bon, qu’est-ce qu’on ferait pas pour un ami ? Je pars donc avec ma moto, et je me trouve une centaine de mètres plus loin, au sein de la forteresse de Jaisalmer, un petit restaurant, Little Italy, où ils font des lasagnes presque bonnes (OK, pas très tourisme équitable les lasagnes, mais au bout de 3 semaines d’Inde, on a le droit de prendre autre chose que des thali non ?). Mais au moment de repartir, la moto refuse de démarrer. Je vais donc voir mon ami pour lui expliquer le problème. Nous allons ensemble où elle est garée. Il essaie de la démarrer, mais en vain.

Vue de la forteresse

“- Effectivement, me dit-il, ça ne démarre pas. Viens avec moi à la boutique, je vais te rendre ton permis. [Une fois arrivée à la boutique] Tiens, voilà ton permis [qu’il avait gardé comme caution].

- Merci.

- [Voyant que je ne bouge pas]. Je peux faire quelque chose pour toi, sir ?

- Oui, tu peux me rembourser.

- Ah non, je ne rembourse jamais.

- Je veux mon argent.

- Je ne rends jamais d’argent… mais assieds-toi là, on va parler.

- Ecoute, la moto, j’ai fait 100 mètres avec. Tu l’as dit toi-même, elle marche pas. Tu peux pas louer des motos qui marchent pas, c’est pas correct, il faut me rembourser.

- Oui, mais qui me dit que tu n’as pas fait plus de 100 mètres avec ?

- Je suis allé au restaurant avec, puis je suis revenu direct. Tu crois que j’aurais inventé cette histoire au lieu d’aller me balader si la moto marchait ?

- Je suis désolé, mais je ne peux pas te rembourser.

- Ecoute, je comprends pas pourquoi tu fais ça. C’est pas correct. Moi tu vois, je viens en Inde parce que j’aime l’Inde. Je vais même te dire un truc, je pense que l’Inde c’est peut-être le plus beau pays du monde. Et toi tu gâches tout. Tu vois, moi je suis d’accord pour payer plus, pas de problème. Je suis touriste, j’ai plus d’argent, je paie plus, c’est normal. Mais je veux pas me faire avoir. Il faut que ce soit clair, sérieux. Tu vois, tu donnes une mauvaise image de l’Inde. Moi, l’Inde, en venant ici, je la respecte. Toi tu la respectes pas. Je suis plus Indien que toi, en fait.

- Bon écoute, je veux bien te rendre 100 roupies.

- Non je veux tout ce que j’ai payé. 500 roupies.

- Non écoute, je peux pas te rendre 500 roupies, c’est pas possible. Je te rends 100 roupies.

- Ecoute, c’est pas normal. Pourquoi tu fais ça ? C’est pas bon pour le buisness, tu sais. Moi je crois que l’honnêteté paie toujours, tu vois. Parce qu’en plus, les touristes parlent entre eux. Et s’ils se font tout le temps avoir, et ben ils viendront plus, tu vois.

- Bon allez, 200 roupies, parce c’est toi.

- Non. Ecoute, tu sais quoi, j’ai fait 100 mètres avec la moto, disons que ça vaut 50 roupies. Mais maintenant je veux mes 450, tu vois.

- Allez écoute, je te donne 200 roupies et c’est bon. Parce que le reste c’est l’essence que tu as mise dedans et c’est pas mon problème. C’est ton essence.

- OK, alors cette essence m’appartient ? OK, alors je veux la récupérer. Je vais prendre la moto, et je vais verser mon essence par terre, pas de problème. Juste devant la boutique.

- Bon, allez 300 roupies.

- Maintenant ça suffit. Tu sais quoi ? Je vais aller voir le surintendant de la police et lui dire que tu vends des motos cassées aux touristes. Parce que j’en ai marre, à chaque fois c’est la même chose. T’es en train de gâcher le plaisir que j’ai à venir en Inde… Donne-moi 400 roupies et on en parle plus.

- OK, voilà tes 400 roupies, mon ami.”

On remarquera qu’une argumentation bien ficelée est réutilisable plusieurs fois (cf. le premier volet de la série Pourquoi j’aime l’Inde). La phrase « non, je ne rends jamais d’argent… mais assieds-toi là on va parler » résume à elle seule la mentalité du commerce en Inde. Il est normal d’essayer de rouler un touriste, mais il n’est pas anormal que le touriste essaie de se défendre. Il ne m’aurait jamais rendu la totalité de mon argent, question d’honneur. Mais les 400 roupies qu’il me rend à la fin montrent qu’il y a bien une marge dans l’arnaque. Et c’est bien cette marge qui fait que l’Inde, je l’aime.

Dans la forteresse

Discussion

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  1. exellent,cette histoire. Parceque tu aimes tu pourras devenir un bon chef d’entreprise libéral.

    Posté par florence | 14 juillet, 2009, 15:57
  2. Le scoot. te manques
    La bouffe te manques
    Mais ton rapport à l’argent et ton sens de la diplomatie mercantile font que l’Inde t’ouvre ses bras.

    Posté par soule | 24 août, 2009, 11:13
  3. Бесподобная фраза ;)

    Posté par Kolabsus | 13 novembre, 2009, 8:30